Vous avez une bien belle cravate Jean-Paul

Dans la vie y a des signes qu’il convient de ne pas ignorer. Comme par exemple ce rêve que Purdey a fait à propos de son dernier rencard, Jean-Paul, clerc de notaire de son état, 42 ans. Déjà rien que là, toi lecteur, tu sais que rien de bon ne pourra sortir de cette affaire. Mais Purdey, elle, c’est une éternelle optimiste. Donc elle ne s’arrête pas à ces détails d’état civil. Ni à ce rêve où ledit Jean-Paul lors de son premier tête à tête avec Purdey invite Gérard Miller à leur table à manger du cervelas. À ce stade, il est bon de rappeler les bases de la psychanalyse des rêves: le signifiant n’est pas le signifié. En clair cervelas ne veut pas dire pénis.

Bref, faisant fi de ce rêve, Purdey se rend à son dîner. Et là JP y a pas à dire t’es pas un winner parce que le resto que tu as choisi est fermé le soir. Alors forcément, tu ressembles plus à Alceste qu’à Clooney tout ratatiné sur ce petit banc avec ton cartable de notaire à attendre que Purdey se pointe pour trouver porte close. Et forcément le seul truc d’ouvert à proximité c’est le Balto, bar tabac PMU. Qu’à cela ne tienne, si la compagnie est bonne, le croque monsieur salade défraîchie passera sans problème.

Sauf que t’es clerc de notaire. Quand tu parles, on oscille entre le cours magistral et la lecture d’une donation-partage. Grâce à toi Purdey peut désormais aisément soutenir une discussion animée sur la menace que fait planer le droit européen sur les notaires français et la rivalité qui les opposent aux avocats. Bandant, non ?

Hélas là ne s’arrête pas la liste des sujets chiants que tu as inscrit à l’ordre du jour de ce rencard. Interprétant le regard dans le vide de Purdey comme le signe que la petite dame était ferrée, tu enchaines direct avec l’histoire politique de la ville de Rouen. Et là JP on est désolé de te casser la baraque mais évoquer Jean Lecanuet c’est dire définitivement adieu au point G de Miss P.

Et comme tu es du genre prévoyant, tu as construit le rencard en mode crescendo avec en point d’orgue un fascinant monologue sur tes hobbies.

« Moi je fais de la rando. Ça me vide la tête.
(a défaut d’autre chose murmure P).
Mais ça me prend du temps, au moins une journée tous les weekends.
(subtile mise en garde – comprendre quand on sera en couple, je ne serai pas super dispo, je te préviens, viens pas pleurnicher après).
D’ailleurs cet été je fais Munich-Venise à pied.
(silence atterré de P… qui elle part à Ibiza. Tu la sens la grosse incompatibilité.)
Ce qui est bien dans ce sport c’est que c’est d’une telle intensité que ça me permet de décharger.
(Vraiment JP? Décharger? Tu sais choisir tes mots…) »

Cette évocation de JP se lâchant en pleine nature est bien plus que Purdey ne peut en supporter. Après très exactement 72 minutes de tête-à-tête, elle attrape son porte-feuille pour en femme libérée payer son diner quand JP choisit de lui porter l’estocade: « non, je TE règle ».

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EDIT: Convaincue que le diner avait été autant un fiasco pour lui que pour elle, Purdey ne pensait pas avoir des nouvelles de JP. C’était sans compter sur la maxime populaire et si vraie « les cons ça osent tout, c’est même à cela qu’on les reconnait ». JP l’a donc recontactée le lendemain matin pour la réinviter, étant sous le charme de sa « spontanéité » – elle avait à peine prononcé 6 mots malicieusement lors dudit rencard « Vous avez une bien belle cravate » mais soit. Damned!

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